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Eclatobulle

LE BOY

18 Mars 2013 , Rédigé par Eclatobulle Publié dans #Essai


Episode 1 : Vengeance

(contains Explicit Lyrics)


“Tu vois ces trois types qui discutent en face de l’Arnaqueur. On dirait des gosses hein ? Ce sont des flics en réalité ! Brigade des stups.”


Elle se tourna vers lui et tenta de capter son regard. Il se laissa faire.


“Comment vas-tu le boy ? Ca fait un moment qu’on ne t’a pas vu trainer dans les parages, des soucis ?”


“Des soucis… ouais, c’est possiblement possible !” avait répondu le boy, avec un sourire amer sur les lèvres. Et il n’ajouta rien de plus. Il ouvrit la poche droite de sa veste en cuir et sortit un étui à cigarettes. Il y prit une clope et la porta à sa bouche. Le boîtier fit un clap étouffé lorsqu’il se referma et le boy replaça l’étui dans sa poche.


“T’as du feu ma belle, le mien est resté chez Caldera ! Ca me fait bien chier d’avoir laissé mon putain de feu à cet empaffé de Caldera ! Tu savais qu’il a des nouvelles putes sur la Plaza !”


“Oui, ce n’est pas nouveau, je les ai vues il y a trois semaines, il y en avait deux qui sortaient de sa BM ! Ce sont des roumaines il paraît.” Elle fouilla dans son sac pour y prendre un briquet et tendit le bras pour allumer la cigarette du boy. Il tira une bouffée et l’inhala à pleins poumons.


“Tu sais le boy, si tu n’as pas envie de me parler de tes problèmes, ce n’est pas grave. Mais si ça se trouve, je peux peut-être faire quelque chose…” Elle posa la main sur son avant-bras et du revers, elle fit glisser ses doigts sur le cuir, dans un léger va-et-vient.


“Ouais, si ça se trouve… c’est possiblement possible !” Mais les yeux sombres du boy se firent encore plus noirs. “Je retourne chez Caldera dans une heure, on se voit ce soir. Viens dans ce bar à péquenauds, rue de la Vieille-comédie, comment ça s’appelle déjà… Tudor In. C’est rempli de crétins et de filles à papa dans mes souvenirs, on sera tranquille pour parler !”


“Le Tudor ! Il a cramé en août dernier… dis donc, ça fait un bail que tu n’es pas venu dans le coin le boy ! Ok, si tu veux un bar à débiles plutôt calme, il y a ça rue des trois couronnes, ça s’appelle le Monde Moderne. C’est à côté de la vieille bourse, en plein centre. Moyenne d’âge douze ans, un repaire d’artistes hype à la con, tu vas adorer ! Enfin, pas sûr…”


“Ok ma belle, à ce soir vers vingt-deux heures dans ton bar à la noix !” L’éclat rieur, qu’elle connaissait bien, passa dans son regard et la belle pensa que le boy était toujours là. On avait dit beaucoup de choses ces derniers temps sur lui, qu’il était fini, qu’une nana lui avait pompé tout son fric et même qu’il avait été de mèche avec des flics sur Paris. Dans le milieu, on ne se faisait pas de cadeaux, la belle le savait bien mais elle n’avait jamais cru à tout ce baratin. Ce soir, il y avait des chances qu’elle en sache plus et elle savait qu’il lui dirait la vérité.


“A toute le boy, prends soin de toi d’ici là !” Elle le regarda s’éloigner. C’était toujours le même homme, avec son cuir sur le dos et sa ceinture à balles à la taille. Il marchait en se tenant bien droit, ses talons claquant sur le sol à chacun de ses pas. Quand il entrait quelque part, le boy ne passait pas inaperçu. Il n’était pas grand mais il se dégageait de sa personne une aura élégante, un charisme inimitable et fascinant. Il devait avoir une quarantaine d’années mais il en paraissait facilement dix de moins. Son visage était ciselé et sans ride. Ses yeux étaient semblables à deux joyaux sombres, expressifs, hypnotiques et pénétrants, qui le rendaient irrésistible.


La belle rentra dans son appartement rue de la Barre. Elle décida de s’organiser pour le soir car cette semaine, elle avait la garde de son fils Jacob. Mais tant pis, elle avait une occasion en or de choper le boy entre quatre yeux et ça valait bien de lâcher une soirée de baby-sitter pour le coup ! Elle dirait à Jacob qu’elle avait oublié mais qu’elle avait promis à Sitha et Laurent de venir les aider pour le service du soir au Boudabar’Bu. C’est sûr, Jacob allait insister pour venir avec elle car il aimait beaucoup Sitha. Elle dirait non, pour cette fois.


Vingt et une heures. La belle mit Jacob au lit et rappela quelques consignes à Carla, la baby-sitter. Carla venait garder de temps en temps Jacob quand la belle travaillait le soir, mais c’était rare. Son boss était plutôt du genre compréhensif avec elle. En fait, il n’avait jamais abdiqué l’espoir de la mettre un jour au fond de son lit. La belle, ça la faisait marrer et gentiment, elle entretenait le suspens, tout en finesse et jamais “borderline”.


Vingt et une heures et vingt minutes. La belle referma la porte de l’appartement et descendit les deux étages. Dans le couloir d’en bas, un homme attendait, adossé, le pied droit sur le mur d’un face, barrant le passage à la belle.


“Salut la belle, tu sors ce soir ? Paraît que tu as vu le boy cette aprem’ ? Bruno aimerait te causer ! Tu crois que tu pourrais remettre ton rendez-vous de ce soir… ah ouais, Bruno m’a dit de te dire : en fait tu n’as pas le choix, tu viens avec moi !”


“Bruno veut me voir ? Je ne suis pas à ces ordres Pépito ! Plutôt que de m’envoyer son chienchien, qu’il vienne ici et peut-être, je dis bien peut-être on causera. Mais si il veut parler du boy, moi, je n’ai rien à lui dire ! Le boy, ça fait dix-huit mois que je ne l’ai pas vu et aux dernières nouvelles, il est mort ! Un règlement de compte en Seine Saint Denis, tu devrais être au courant, hein Pépito ?”


“Oh, là, mollo, sur un autre ton la belle ! Bruno, il a dit : tu me ramènes la belle, je lui ramène la belle, pour le reste, je m’en fous de tes histoires ! Tu ne fais pas d’embrouilles et tu viens, Bruno veut parler ! Et ne m’obliges pas à t’embarquer de force, tu ne fais pas le poids !”


L’homme occupait toute la largeur du couloir et il avait une tête et demie de plus que la belle. C’est vrai qu’elle ne faisait pas le poids… elle plongea la main dans son sac et en ressortit un neuf millimètres : “Et avec ça Pépito, je ne fais toujours pas le poids ?”


“Range ce putain de flingue la belle, tu commences à me gonfler, tu crois que ca me fout les jetons ton joujou ? Il vient de où, de Wazemmes ? C’est juste bon à buter les rats ton pétard !” L’homme avança vers la belle.


“Pépito, tu avances encore et je t’en colle une entre les deux yeux ! Tu m’en diras des nouvelles !” Et ce faisant, elle arma le revolver. L’arme émit un cliquetis métallique étrange.


“Ahahaha, il vient de Wazemme ! Je m’en doutais. Il est enraillé ton bazooka, tu le sais ça,  la belle ! ” Et l’homme avança, les mains en avant. La belle pressa la gachette mais hélas, aucun coup de feu ne partit. D’un geste précis, l’homme s’empara du flingue et fit faire une volteface à la belle. Elle sentit les bras puissants de l’homme se refermer sur elle.


“Aïe, tu me fais mal Pépito, lâches moi connard ! J’ai rien à dire à Bruno ! Vous me faites chier à la fin… au secours !” La belle était en train d’hurler lorsqu’elle reçue un coup dur sur la tête. Le noir tomba en rideau sur ses yeux. Puis plus rien.


Quand la belle reprit connaissance, elle avait encore mal derrière la nuque mais elle reconnut immédiatement l’endroit. L’appartement de Bruno. Elle était allongée sur un sofa rouge, les jambes en vrac sur le côté. Elle avait un peu mal au dos. Au prix d’un petit effort, elle se redressa et tenta dans la foulée de se lever, sans vraiment y parvenir, elle se reposa sur le divan et se cala au fond, les mains posées sur les genoux.


“Ah, la belle au bois dormant est réveillée. Ca fait plaisir de te voir la belle, je trouve que tu me négliges ces temps-ci ! Tes pipes me manquent, j’en connais pas une que les fait mieux que toi ! Hein Pépito, les pipes de la belle, ça te manque aussi, non ? Quoique, elle t’a peut-être sucé avant de venir vu le temps que tu as mis ! C’est ça hein mon salaud ? T’as raison, en plus elle aime ça la belle, c’est une épicurienne ! Bon, on verra ça plus tard !” Bruno vint se placer juste devant elle et se gratta le ventre, d’une manière vulgaire.


La belle n’avait pas répondu aux provocations de Bruno, car elle savait que c’est ce qu’il cherchait.


“Alors la belle, si tu es là, c’est parce que je veux que l’on cause toi et moi et devine de quoi ?”


La belle releva la tête et planta ses yeux dans ceux de Bruno.


“Tu veux que l’on parle du boy ? Pépito a vendu la mèche. Sauf que le boy, ça fait dix-huit mois que je ne l’ai pas vu ! Donc je n’ai rien à te dire sur lui, c’est simple non ? Même Pépito comprendrait ça je suis sûre !”


“Fais pas la rigolote avec moi la belle, une des filles de Caldera t’a vu cette aprem’, du côté de l’Arnaqueur, en compagnie d’un type avec un blouson de cuir, cheveux noirs et une dégaine de Dandy ! Un type qu’elle n’avait jamais vu avant. Cela ne peut être que le boy !”


“N’importe quoi, si tu te mets à écouter toutes les conneries que racontent les putes de Caldera, tu vas bientôt me dire qu’Elvis est vivant ! Le boy, ca fait dix-huit mois que je ne l’ai pas vu et aux dernières nouvelles, il s’est fait buter, un règlement de compte à la Seine Saint Denis. Je ne sais rien d’autre. Et merde, il est vingt et une heures quarante cinq et j’ai mon gosse qui m’attend. Tu vas pas me prendre la tête avec le boy toute la nuit tout de même, mon fils a besoin de sa mère.”


“Pépito m’a dit que tu sortais ce soir, tu allais où ? Rejoindre le boy ?”


“Non Bruno, j’ai dit à Jacob que je passais chez Sitha pour filer un coup de main, deux heures max, puis je rentrais. Tu peux appeler Sitha, il te dira que c’est vrai ! D’ailleurs, il doit être furax que je ne sois pas là… il n’avait pas de serveuse ce soir ! Fais chier, merde !”


“Pépito ira voir Sitha demain pour lui expliquer et si tu t’es foutue de ma gueule, ce que je ne te conseille pas, je te pète les deux jambes, c’est clair… la belle ?”


La belle ne répondit pas.


“Allez, fous-la dehors ! Eh, attends la belle, un dernier conseil : si tu vois ou entends parler du boy, viens donc me le dire… J’ai horreur de devoir courir à la pèche aux infos !”


La belle ramassa son sac et se dirigea vers la porte, suivie de près par Pépito. Elle ouvrit la porte et sortit de l’appartement. Elle remonta le couloir en direction de la porte extérieure. Une fois dehors, elle se mit à marcher d’un bon pas, sans même se retourner. Elle se doutait bien qu’elle serait suivie ce soir. Il était vingt et une heures cinquante-cinq et il serait difficile de se rendre au rendez-vous avec le boy. A moins que… la belle avait plus d’un tour dans son sac et un esprit vif pour se sortir des situations souvent complexes. Elle serait dans quelques minutes rue Esquermoise, là où habitait José, un de ses collègues de travail. Elle sonna au trente-cinq, appartement cinq bis. Elle pria intérieurement que José soit chez lui ce soir. Dans l’interphone, un grésillement suivie de la voix de José : “Oui ?”


 “José, c’est moi la belle je peux monter ?”


 “La belle ? Mais qu’est ce que tu fous là ? Euh, oui, attends j’ouvre…”


La belle entra et grimpa les cinq étages au pas de course. Elle tapa à la porte de l’appartement cinq bis. La porte s’ouvrit et José l’invita à entrer.


“Ben la belle, raconte, tu fais quoi là, je te manquais ?” dit-il avec un sourire goguenard.


“Ecoute José, je peux pas trop t’expliquer, j’ai juste besoin d’un service et pas de questions. Tu veux bien m’accompagner là maintenant jusqu’au Monde Moderne, tu sais ce bar, rue des trois couronnes. C’est à deux pas d’ici. Ah oui, en sortant, il faudrait que l’on se tienne par la main et que l’on s’embrasse aussi, comme deux amoureux, mais pour du faux hein, va pas t’imaginer !”


José regardait à présent la belle avec des yeux ronds…


“Euh, tu veux qu’on sorte la maintenant, dehors et que je t’embrasse dans la rue jusqu’au Monde Moderne ? C’est ça ?”


“Oui, c’est bien ça ! Allez, ça urge José sois cool !”


La belle ne ménagea pas les faux-semblants et c’est à pleine bouche qu’elle embrassa José une fois dehors, ce qui le surpris tout à fait. Elle constata surtout, du coin de l’œil, que Pépito avait vu ce qu’il voulait voir et que ce dernier, ne les quittant pas des yeux, les regarda malgré tout s’éloigner sans les suivre davantage. Les deux faux tourtereaux avancèrent.


José et la belle étaient à présent à une soixantaine de mètres du Monde moderne. Il était vingt-deux heures et quinze minutes. La belle espérait que le boy avait attendu car il n’avait pas la réputation d’être très patient.


Les pneus d’une voiture crissèrent sur les pavés, juste derrière eux, en prenant le virage. La belle et José eurent juste le temps de se pousser sur le côté pour la laisser passer. La belle vit que les hommes dans la voiture étaient masqués. Le bolide s’arrêta à hauteur du Monde moderne et deux hommes en sortirent, des armes lourdes entre les mains.


Ils déversèrent le contenu de leurs chargeurs, abattant sans discernement tous les gens qui se trouvaient là. Des cris d’effroi s’élevèrent pour s’éteindre aussitôt. En quelques secondes, une vingtaine de personnes gisaient à terre. Les hommes entrèrent dans le café et José et la belle entendirent de nouvelles rafales ! Puis très vite plus rien ! Les deux hommes sortirent du bar, remontèrent dans la voiture et celle-ci redémarra rapidement. Au bout de la rue, elle tourna à gauche puis disparut.


“Mon dieu, le boy ! Non !!!!!”


La belle s’était mise à courir vers le carnage…

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