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Eclatobulle

La chapelle des solitudes

10 Septembre 2010 , Rédigé par livre.eclatobulle.over-blog.com Publié dans #Autobiographique

Il y a quelques jours, une photo a attiré mon attention. Non, plus qu'attirée, elle provoquait en moi une intense émotion. Je ne savais pas encore ce qu'elle me permettrait d'exprimer... Aujourd'hui, je le sais et je vous invite à le découvrir. Merci à Stéphane pour cet incroyable cliché, à son talent, à son art... Cet article est dédicacé à Céline, Raphaël et Tom. Que mes pensées les accompagnent...

 

Bonne lecture

 

IMG_6444.jpg

Rose nous a quitté il y a des mois maintenant. Elle était malade et je l’ai accompagné jusqu’au dernier moment. J’ai vu la flamme qui brûlait dans ses yeux s’éteindre pour toujours. Je l’aimais et je n’ai pas voulu la laisser seule. C’était sa plus grande crainte : être seule.

 

C’est la vérité, Rose avait toujours eu peur de la solitude. Nous en discutions souvent... Moi, en revanche, être seul, ça ne me faisais pas peur ! Enfin, c’est ce que je croyais... d’une certaine manière, j’en été si convaincu ! Il faut croire que pour le coup, je me suis lourdement trompé !

 

Pourtant, je dois bien reconnaître que toute ma vie, je me suis offert le luxe d’être seul. Etant plus jeune, je me rappelle de cet endroit, où j’aimais aller car j’y trouvais le calme et le repos d’être seul, enfin seul, loin des miens qui se déchiraient.

 

C’était une vieille chapelle voûtée dans laquelle j’aimais me rendre. Seul, je m’asseyais sur un banc qui se trouvait là dans un coin, dans la pénombre. Les jours où le soleil brillait, de timides rayons s’aventuraient au travers du vitrail et venaient mourir sur un pilier de pierre. J’étais assis sur ce banc et je savourais cet instant de grande, de belle solitude, de calme plein.

 

Je tendais la main et la lumière coulait silencieusement sur mes doigts, en un jeu d’ombres et de touches claires.


La solitude était alors pour moi une amie tendre. Je l’appréciais pour ce qu’elle m’apportait et je n’avais rien à lui donner en échange. C’était un cadeau, un égoïsme, un répit que je m’accordais. Dans cette chapelle, personne ne venait prier. Moi non plus d’ailleurs. Je profitais simplement d’un moment de solitude.

 

Plus tard, alors que ma vie était comblée d’amour, d’amitiés et d’envie, je ne me rendais plus dans la chapelle, pourtant j’ai continué à cultiver ce luxe. Plus pour les mêmes raisons, c’est vrai. Mais, ça me plaisait de m’entendre dire, une fois les fesses posées sur un tronc d’arbre tombé dans la forêt : “Enfin seul, je vais pouvoir réfléchir, rêver !” Combien de fois j’ai fait et pensé cela... des centaines, des milliers. Je partais seul pour un bout de brousse à travers la plaine enneigée l’hiver. Bien emmitouflé dans ma polaire, j’affrontais le froid, les mains au vent qui piquait. J’avançais seul dans le jour glacé... je vivais de merveilleux moments de solitude !

 

Une autre fois, j’enfourchais mon vélo et à l’occasion de longues balades, je filais seul, le nez au vent vers des endroits isolés où j’allais enfin pouvoir me poser loin des hommes et du monde pour me délecter d’un authentique moment de solitude. J’aimais à penser être seul parfois, sur ce morceau de terre, cela me réconfortait. S’il ne devait peut-être en rester qu’un, j’aurais alors souhaité, dans ces moments, être celui-là !

 

A trois heures du matin les jours de pluie, parfois je descendais sans bruit et prenais les clés de la voiture. Je partais, seul, alors que l’on dormait à la maison. J’allais au bord de la falaise, à cinquante kilomètres de là et une fois arrivé, tous feux éteints, je m’installais sur le capot et je laissais le vent et la pluie fouetter mon visage. Je finissais trempé dans la solitude de la nuit et j’apaisais ainsi mon âme trop inquiète. Toujours cette solitude qui venait à mon secours lorsque l’angoisse m’assaillait et que le sommeil m’abandonnait.

 

La solitude... alors que tant d’autres la fuyaient comme la peste - Rose était de ces personnes - moi, je la chérissais, je la convoitais, je la recherchais. Elle faisait partie de ce que j’étais, elle m’apportait l’équilibre dans une vie de tous les jours où l’on se rend au travail, où l’on passe du temps avec ses amis, où l’on discute avec Rose, où l’on joue avec les enfants.

 

La solitude au fil du temps devint une contrepartie que je m’offrais, un privilège que je m’octroyais pour apprécier encore plus tous ces instants présents où j’aimais être avec les miens. Toute ma vie, la solitude m’avait donc permis de m’évader, de me retrouver, d’être vrai. Là, seul au monde pendant quelques instants, je la frôlais du bout des doigts, je la caressais, je l’envisageais et cela me plaisait.

 

Aujourd’hui, Rose n’est plus et alors que je suis seul, seul face à cette solitude que je croyais connaître si bien, je prends conscience que je la hais. Je n’ai jamais autant haï. Quant à la vieille chapelle dans laquelle jadis j’avais rendez-vous avec mes solitudes, elle s’est effondrée depuis longtemps, laissant à la place une ruine où plus jamais les rayons du soleil, même pâles, ne viennent jouer de leurs reflets sur la pierre.

 

Désormais, la solitude est à mon cœur ce qu’une gangue de pierre est à un diamant : une enveloppe stérile, sur laquelle plus rien ne pousse ni ne vit. Elle l’étrangle inexorablement et étouffe le joyau qui brille à l’intérieur.

 

Depuis des mois ma Rose, ma fleur, il n’y a pas un jour où je ne te pleure !

 

Où es-tu, mon âme, ma sœur ? Il me semble que mon cœur se meurt...

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