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Eclatobulle

Goût Fraise

12 Février 2012 , Rédigé par livre.eclatobulle.over-blog.com Publié dans #Essai

 

 

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Par une belle après-midi du mois de mai,


Clara se promenait au parc Mallarmé.

 

Au soleil généreux, l’endroit était bondé


et Clara, si belle et ingénue, baguenaudait.

 

Le vent faisait voler ses boucles brunes et sa robe légère. Elle marchait ainsi de ci, de là, en savourant la chaleur du soleil qui dorait, le vert feuillage des arbres qui ombrageait, le blanc nuage dans le ciel, mis juste là par quelque ingénieux pour décorer, le chant des oiseaux qui égayait, le gracieux bourdon qui de fleur en fleur butinait… buzzzzzz !

 

Clara n’était pas une jeune femme comme les autres car toujours à l’affût d’une excentricité. Et ces temps derniers, elle jouait.

 

De prime abord, cela aurait pu faire penser à un de ces jeux d’enfant, innocent et distrayant, qui rappelle tant la chasse aux œufs que jadis on faisait dans le jardin avec un petit panier, le matin du dimanche de Pâques.

 

Fermons un instant les yeux et en aparté, laissons revenir en nous ces images et ces odeurs d’herbes et de rosée, de chocolat fondu et de rires éparpillés… Tous ces moments, ces ambiances, ces visages figés dans des expressions de joies simples que l’on serti en nous pour ne jamais les oublier…

 

Mais avec Clara, rien n’était jamais innocent… par la force des choses. C’était ainsi et elle l’avait accepté !

 

Une fois par semaine, au parc Mallarmé donc, elle se rendait pour s’y balader. Et ces trois dernières semaines, elle s’était prise au jeu d’un personnage dont elle ignorait tout. Homme ou femme ou poney, elle n’avait pas la moindre idée de qui s’était.

 

Il faut savoir que lorsqu’elle se promenait au parc, Clara empruntait toujours le même itinéraire. Et il y avait trois semaines de cela, elle avait trouvé sur un banc une sucette à la fraise, dans son sachet. La pauvre petite sucette trainait là, désespérément abandonnée. Et juste à côté du bonbon, un bout de papier était posé sur lequel il était griffonné : mange-moi !

 

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Telle Alice aux pays des merveilles, elle l’avait ramassé et l’avait immédiatement bouloté. Elle s’était vraiment régalée !

 

La semaine suivante, Clara repassa devant le même banc et à nouveau, elle y avait découvert une sucette à la fraise, seule et ignorée.  A côté, toujours un petit bout de papier sur lequel on pouvait lire : Mange-moi ! Manifestement, quelqu’un avait l’intention de jouer… Clara en accepta immédiatement l’idée. C’était drôle et cela ne faisait de mal à personne, pas à elle en tout cas car les sucreries étaient des pêchés mignons pour lesquels elle se serait volontiers damnée.

 

Délicatement, du bout des doigts, elle s’en était emparée, jetant des oeillades à droite, à gauche pour voir si quelqu’un, au loin, la regardait.

 

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Avec un geste lent, elle en avait ôté l’emballage. Ainsi, pour la seconde fois, elle continuerait sa balade au parc tout en se délectant d’un délicieux bâtonnet sucré.

 

Pour la troisième semaine d’affilée, Clara repassa devant le banc et découvrit pour la troisième fois une malheureuse sucette à la fraise esseulée. Les yeux remplis de convoitise aiguisée pour la sucette isolée, elle la ramassa et la savoura jusqu’au bâtonnet !

 

**************************

 

C’était donc naturellement qu’en ce jour ensoleillé, elle revenait, pour la quatrième fois, vers le banc si “sucrement” achalandé ! Elle tourna le coin de l’allée et s’engagea sur le chemin qui menait vers ce qui était désormais son rendez-vous hebdomadaire et sucré.

 

Quelle déception lorsque qu’elle le constata, même de loin : sur le banc, la sucette n’avait pas été posée ! Avait-elle été volée ?

 

“Saleté !” hurla-t-elle, en frappant le sol du pied.  Elle envisagea les environs, l’air courroucée. Cet endroit du parc était désert, personne ne s’y était aventuré.

 

En s’approchant, malgré tout, elle vit finalement que le petit bout de papier avait bel et bien été déposé. Sur ce dernier, point de mot, juste une flèche avait été tracée. Elle regarda donc dans la direction indiquée…

 

C’est alors qu’elle l’aperçut, au bout d’une main qui sortait comme par magie d’un vert fourré. La sucette à la fraise était là, à quelques mètres d’elle et elle attendait.

 

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Clara, à pas comptés, s’avança en direction de cette main qui vers elle tendait sa gourmandise tant espérée. Quelques centimètres encore… elle s’arrêta et regarda la sucette. Elle tendit la main vers elle pour s’en emparer mais cette dernière disparut soudainement dans le fourré.

 

S’agissait-il d’un coup fourré ?

 

Folle de rage, Clara ne se posa pas la question et bondit dans le néant vert à la poursuite de sa sucette adorée. Mais au bout de quelques mètres, elle s’arrêta net !

 

“Bonjour !” dit alors un homme qui se trouvait là. Il était vêtu d’un long imperméable et Clara s’en étonna car visiblement, il mourrait de chaud sous son vêtement ! “Quel pauvre homme !” pensa-t-elle “Pourquoi s’habiller si chaudement par une belle journée d’été ?”

 

A la main, il tenait la sucette et il l’agitait sous le nez de Clara, comme un balancier !

 

Sans se démonter, Clara sourit à l’homme et dit sur un ton enjoué : “C’était donc vous les sucettes… merci, c’est gentil, je me suis bien amusée ! Puis-je avoir celle-ci, s’il vous plaît ?”

 

L’homme à l’imper adressa un clin d’œil lubrique à la jeune femme et déclara : “Si tu la veux, il te faudra venir la chercher !” Et dans un geste ample, il ouvrit son imper et cria : “Ah ah, je suis un pervers ténébreux !”

 

La jeune fille, loin de s’en émouvoir, l’envisagea de la tête aux pieds. Il n’était pas vilain à regarder. Elle fit glisser doucement sa langue sur ses lèvres. Dans son regard, une envie gourmande s’afficha. Elle répliqua, l’air amusée : “Enchantée, moi c’est Clara, nymphomane maléfique”

 

N’y résistant plus, car il lui en fallait peu,

elle se rua sur le pervers ténébreux…

 

En basculant dans les broussailles, elle lança : “Attends, et ma sucette ?” Le pervers y voyant là un très bon présage, répondit sans attendre : “Regarde, belle enfant ! J’ai là dans ma poche une surprise… veux-tu la voir ?”

 

Intriguée et excitée par tant de mystère, elle répondit ; “Oh oui, j’adore les surprises !” Elle glissa la main dans la poche du pervers et en ressortit un petit emballage carré, sur lequel elle lut à voix haute : “Goût Fraise !”

 

 

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