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Eclatobulle

De belles illustrations, signées par Christophe...

13 Juillet 2010 , Rédigé par eclatobulle.over-blog.com Publié dans #Il y a longtemps...

 

Cette histoire est le fruit d'une collaboration réussie entre un graphiste de talent et moi.

 

Bonne lecture !

 

 

 

Toutes sortes de légendes étranges et fascinantes courent sur Venise...

 

ILLUSTRATION VENISE

 

En voici une d’ailleurs qui ne manquera pas de vous étonner. Cette légende nous a été rapportée par un jeune romancier, Pierre Laval. Voici son récit.

 

“Je m’appelle Pierre et je suis actuellement dans la cité mythique de Venise pour y recueillir des contes et des légendes. Mon projet est d’écrire un livre. Jusqu’à présent, j’ai pu réunir une vingtaine d’histoires. Parfois drôles, parfois tendres, j’ai beaucoup aimé celle du « Cheval des Doges » que l’on disait savant”.

 

guiseppeMais la plus captivante de toutes, c’est le vieux Guiseppe, âgé de 84 ans, qui me l’a raconté, le jour de Noël. Cette légende, c'est celle que l'on raconte aux enfants turbulents... Je ne résiste pas, d’ailleurs, à la partager avec vous car à ce jour encore, elle résonne en moi d'une manière très particulière.

 

Depuis le moyen-âge, on raconte qu'à Venise apparaît parfois une terrible bête, dont le cri de colère ferait trembler les murs de la cité mystérieuse. La créature, dit-on, prendrait vie lorsque plusieurs conditions sont réunies. Alors, le monstre affreux et sanguinaire rôderait dans les ruelles étroites et viendrait s’en prendre aux enfants de la cité, mais pas seulement...

 

Pour qu'un tel malheur se produise, cinq improbables conditions sont nécessaires et le vieux Guiseppe a accepté de tout me raconter. Ainsi, la veille de Noël, lorsque la lune est pleine, il faut d'abord qu’un homme de moins de trente ans soit mordu par un loup au pelage blanc comme la neige. Cet homme blessé se transforme alors en une créature étrange ! Son seul et unique but est ensuite de dévorer cinq enfants, des fils et des filles de la cité, mais pas forcément...

 

Cette histoire, je le sais, pourrait vous fait sourire. Et d'ailleurs moi-même, je n’y ai pas cru. Mais Guiseppe me soutenait que cette légende n’en est pas une et que, de par le passé, la bête a sévi par deux fois. Souvent, les histoires de monstres et de magie noire fascinent. Je n’ai pas voulu contredire mon interlocuteur, car j'éprouvais par cet homme le plus grand respect. D'ailleurs, mon objectif est de recueillir les meilleures histoires de Venise. Je n’étais pas là en revanche pour battre en brèche les croyances populaires. Le vieil homme m’a alors confié son secret : il s'est approché de moi et sur le ton de la confidence, m'a dit tout bas : “Cette année, trois des cinq conditions sont déjà réunies”. “ En effet, me dit-il, la première des cinq conditions est la présence d'un loup blanc dans les environs de la ville ”.

 

En cette fin d’année 2008, les journaux ont signalé la présence du loup dans les environs de Venise. Guiseppe m’a d’ailleurs montré la coupure de journal où il en est fait mention. Le journaliste a écrit la chose suivante : 

 

loup

 

« Incroyable ! Un loup blanc est
aux abords de Venise.

A-t-on jamais vu ça dans l’histoire

de notre chère cité ?»

 

Il m’a fait part, ensuite, d'une seconde condition. Il faut que la décennale des enfants soit organisée cette année là. Cette décennale est une fête qui ne se déroule qu'à Venise. La tradition veut qu'un enfant, garçon ou fille, soit choisi pour être Doge des enfants de Venise. Pour un an, il devient alors le symbole de la vertu et de l’équité. L'enfant se doit d'être présent à chaque conseil réuni par le chef de la cité : le Doge de Venise en personne. L’enfant est alors le garant du droit moral qu’il rappelle par le simple fait de sa présence.

 

Et la légende veut que ce soit une fille qui soit Doge des enfants l’année où la malédiction est à même de se produire. Cette année, effectivement, c’est une petite fille de huit ans, au charmant prénom de Claudia, qui a été choisie. Guiseppe, qui est très méticuleux, une sagesse due sans doute à son grand âge, m’a également montré la coupure de journal dans lequel on parle du choix de l'enfant.

 

Au fil du récit, le vieil homme s’est levé pour mieux me convaincre. Debout, les bras au ciel, il me dit alors que l’année en question doit être bissextile : 2008 est une année où le mois de février compte 29 jour. Il a plongé son regard dans le mien et m’a dit sur un ton des plus sérieux de faire attention : « Qui s’est intéressé de trop près à la légende en a toujours fait les frais ! ». « C’est une malédiction » : me dit-il. Il me confie qu’il a accepté de me raconter l’histoire seulement parce que je lui ai dit que je n’ai pas d’enfants. Oups, c'était un gros mensonge, mais je pensais qu'il n'en saurait rien !

 

Car si la bête prend réalité, me dit-il, les enfants de cette personne trop curieuse pourraient être réellement menacés. Malgré les avertissements de Guiseppe, l’essentiel pour moi était d’avoir la légende. D’ailleurs, ce n’était qu’une légende…

 

Je suis parti de chez Guiseppe vers 17 heures. La nuit commence à tomber en ce 24 décembre ; le temps était brumeux et humide. Sur le chemin qui me ramènait à la maison, je remarquais qu’il n’y a pas grand monde dans les rues.

 

Tout le monde se préparait à faire la fête. Je rejoignais ma famille, Cécile et le petit Antoine. Arrivé à la maison que nous louions, je racontais à Cécile que j’avais pu obtenir du vieux Guiseppe son histoire malgré les doutes qu’avait émis Sylvio, un ami de Venise, sur les probabilités d’y arriver : Guiseppe était, dit-on, très méfiant sur le sujet. Je lui avouais être satisfait de mon travail. Elle me félicita. Vers 20 heures, nous nous sommes rendus chez Sylvio pour y passer le réveillon de Noël.


hotel

 

 

La soirée fut merveilleuse et le petit Antoine fut vraiment très gâté…

De retour à la maison, nous nous sommes immédiatement couchés.

 

Soudain, un bruit m’a réveillé, il était quatre heures. Je me suis levé discrètement pour ne pas éveiller mon épouse. Je suis descendu au rez-de-chaussée. Sans lumière, je m’orientais à tâtons. J'ai cherché l’interrupteur mais sans le trouver.

 

Quand tout à coup, derrière moi, un vacarme ahurissant retentit. Pris de panique, je me suis retourné et j'ai poussé un cri de terreur. Une masse sombre, d’où jaillissaient deux yeux injectés de sang, se rua sur moi avec un grognement sinistre. Sous le poids, je suis tombé au sol et ma tête a cogné la dalle froide. Sonné, la créature passa sur mon corps et commença à gravir l’escalier qui menait au premier étage. L’histoire de Guiseppe me revint à l’esprit en un instant. La lune qui était pleine, la petite fille choisie pour être Doge des enfants, les 29 jours de février, la présence du loup dans la région.

 

Tout y est, la légende avait pris réalité. La peur me glaça le sang. Si Guiseppe avait dit vrai, le monstre allait s'en prendre à mon petit Antoine. Mais que pouvais-je faire, la créature était trop forte pour moi. Et tout était de ma faute. C’est moi qui avait menti à Guiseppe. lui, en revanche, m'avait dit la vérité...

 

J’ai alors gravi les marches de l'escalier pour tenter de stopper la progression de la bête. En haut, nous nous sommes retrouvés face à face. Pendant dix secondes, nos regards se sont affrontés et à ma grande stupeur, l’animal s’est mis à parler.

 

D’une voix caverneuse, il m’a dit : « J’ai faim, il me faut un petit garçon. Mais, au fait, tu as un petit garçon, n’est-ce pas ? ». Je lui ai répondu d’un ton bref : «Oui ! Mais tu n’y toucheras pas si tu veux garder la vie sauve ».

 

Il m’a regardé des pieds à la tête et m’a dit : « Hé ! Tu n’es pas bien grand ni très fort pour me faire obstacle. Si je le veux, je te pulvérise. Mais soit, admettons que j’épargne ton fils. Qu’y gagnerai-je ? ». J’ai réfléchi un petit instant, puis je lui ai dit ceci : « Si c’est un marché que tu veux passer soit, nous allons discuter. Viens dans la cuisine, devant un verre de « Chianti », ce sera plus sympa ».

 

Nous sommes alors descendus et, tout en buvant notre verre, nous avons essayé de trouver un compromis acceptable pour les deux parties. Longtemps, la créature est restée sur ses positions, ne voulant manger avec son « Chianti » qu’un petit garçon. Puis, au fil du temps, le vin aidant, il a commencé à adoucir son point de vue. Je lui dis qu’un petit garçon, ça n’est pas bien gros, ça croque, c’est plein d’os. En plus, les petits garçons courent vite. Pour les manger, il faut les surprendre ou courir plus vite qu’eux. C’est déjà beaucoup moins rigolo. Pendant une heure, j’ai tenté de le convaincre.

 

Quand nous nous sommes levés, j’avais réussi mon affaire. Je l’ai raccompagné sur le pas de la porte. La nuit m’a semblé très claire. La lune répandait sa douce clarté sur la ville. Tout était paisible, c’est Noël. La bête me remercia de lui avoir ouvert les yeux et m'a fait alors une promesse solennelle : « C’est juré, cette nuit, je ne toucherai pas aux petits garçons. Je crois pouvoir me contenter des petites filles ».

 

Effaré par ce que je viens d’entendre, je me rue aux pieds de la créature. Je le supplie de ne pas faire cela, qu’une petite fille, c’est comme un petit garçon, qu’il fait une erreur. Mais rien n’y fait, il part, ne m’écoute plus. Déjà, il s’éloigne et disparaît derrière un pont au coin de la rue.

 

Je suis resté là pendant cinq minutes puis un cri a déchiré la nuit mourante. Je me suis mis à courir, comme un dératé. A deux rues de là, je suis tombé sur un spectacle effroyable. La bête étaitt là, assise au milieu de la rue, il rognait un avant-bras sanguinolent. M’apercevant, il m’apostropha pour me dire la chose suivante : « Tu as eu raison. Me convaincre de ne plus manger les petits garçons est une initiative heureuse. Les petites filles, c’est bien meilleur et plus tendre ».

 

Soudain, les images se brouillèrent devant mon regard et je sentis une forte pression sur le bras, presque douloureuse. Une voix que je connaissais bien me demandait de réagir, de me réveiller. J’ouvris les yeux et je découvris Cécile qui me secouait comme un prunier en disant : « Pierre enfin ! Arrête de crier comme ça ! Tu vas réveiller Antoine ». Elle me donna un bon coup de coude dans les côtes pour être sûre que je stoppe mon délire.

 

Hagard, j'ai repris doucement mes esprits. J’avais le corps en sueur.

 

Je me suis levé et suis allé jeter un coup d’œil dans la chambre d’Antoine. J’ai ouvert la porte sans bruit et j'ai regardé dans la pièce. Le lit était défait, il n’y avait personne dedans. Je me suis mis alors à crier comme un fou. J’ai appelé Cécile qui déboula presque aussitôt, et constata avec moi : Antoine a disparu ! Sa fenêtre était ouverte et un léger courant d’air avait déjà rafraîchi la pièce. J'ai descendu les escaliers quatre à quatre et c'est alors que je suis tombé nez à nez, dans la cuisine, sur le petit Antoine, la tête fourrée dans le réfrigérateur. Surpris, le petit bonhomme était tout confus et me dit dans un français mal maîtrisé : « Papa, je ferai plus, je promets ! ». Fou de joie, j'ai lancé à sa maman : « Chérie, il est là, ne t’inquiète pas ».Quelques secondes plus tard, Cécile est arrivée à son tour dans la cuisine. On décida, malgré l’heure matinale, une tournée générale de crème au chocolat.

 

Nous sommes rentrés trois jours plus tard dans notre petite maison de Bretagne. Mon recueil de légendes a beaucoup plu au public. D’ailleurs de nombreux lecteurs m’ont écrit depuis pour me remercier de leur avoir fait passer un bon moment ; surtout avec l’histoire effrayante de la créature légendaire qui rôde parfois dans les rues étroites de Venise…

 

Rialto

 

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