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Eclatobulle

Aimer à en mourir !

26 Septembre 2015 , Rédigé par Eclatobulle

Une après-midi, alors que nous discutions tranquillement, elle me dit :

“Mon homme, je l’aime définitivement !”

Et elle me fit l’article l’heure et demie suivante. Au bout du compte, je n’avais plus qu’une envie : lui acheter son homme !

C’était tellement beau à voir, si doux à entendre. Une pointe de jalousie me pinça le coin de l’âme… moi aussi, j’aurai aimé pouvoir aimer définitivement un homme et en parler indéfiniment avec des soupirs adolescents.

Tout cet amour et ces yeux remplis de sincérité et d’absolue certitude. J’ai trouvé ça magnifique, une telle déclaration et le choix du mot… définitivement. Moi qui guérissais tout juste d’une énième blessure, je me baignais dans le courant puissant de ses sentiments. Je renaissais sur l’instant.

De l’amour donné tout entier, sans attendre en retour.

Il y avait dans tout ça une vérité, la sienne,

une évidence, la seule,

une bulle d’éternel, absolue.

Son homme, elle l’aimerait définitivement.

Elle avait pris la décision, seule et radicale, en accord avec ses envies et ses désirs… définitivement ! Je dois avouer également que j’avais trouvé ça un peu culotté.

Nous nous revîmes plus tard, quelques mois avaient passé, dix ou onze, je ne savais plus. Ses cheveux plus courts, à peine, elle était allée chez le coiffeur récemment. Maquillée, un peu, un vernis rose sur le bout des doigts, posé lui aussi dernièrement. Elle était belle dans sa quarantaine débutante ou sa trentaine finissante, j’avais oublié ou peut-être ne l’avais-je jamais vraiment su. C’était sans importance.

Très vite, curieuse, je m’enquerrai de son amour définitif.

Elle me réexpliqua à quel point il était intelligent (Il fallait voir les statuts sur son facebook), à quel point il lui faisait si bien l’amour (Un truc de malade, inimaginable selon mon point de vue et ma propre expérience, bien sûr), à quel point il était attentif (Et prévenant même, c’est tout dire !). Un amour d’homme et aimé par une femme amoureuse définitivement.

Cela faisait plus d’un an déjà, déclara t-elle. J’ajoutai pour faire écho que le temps passait vite !

Puis, quatre mots douchèrent ma curiosité enthousiaste.

“Enfin, oui, peut-être… ”

La semaine dernière, ils s’étaient disputés. Elle avait oublié de prévenir qu’elle rentrerait plus tard. Il s’était inquiété, son portable était coupé. Dans la dispute, un coup était parti. Il l’avait giflé. Mais c’était de sa faute, elle aurait dû l’avertir…

En y réfléchissant hâtivement, jamais un homme ne m’avait giflé. Et si cela avait été le cas, je serai parti dans la seconde. Je lui exposai mon avis. Ce que j’entendis ensuite me terrifia.

Elle lui avait manqué de respect. Lui l’inondait de textos chaque jour, c’était même parfois un peu trop, avoua-t-elle.

Elle justifiait son geste. Ce n’était qu’une gifle. Elle prenait sur elle la responsabilité de cet accès de violence. Elle y voyait surtout un témoignage de son amour, un vrai et sincère en plus. Depuis, il lui avait offert des fleurs, des roses, des rouges. Il fallait qu’elle soit à la hauteur en retour.

Je la quittais en l’invitant à faire attention à elle, à m’appeler si elle voulait.

Des mois passèrent, trop sans doute. Dans ma solitude qui durait, un soir, je composais son numéro. Il n’était plus attribué. Dommage, elle avait sans doute oublié de m’avertir.

Je me rendis à son domicile quelques jours plus tard. J’eus beau sonner à l’interphone, personne ne répondit. Fort heureusement, une personne sortit de l’immeuble à ce moment là et j’en profitai pour entrer. J’ai monté les deux étages et je suis arrivée sur le palier. Elle occupait l’appartement de gauche, qui donnait sur la rue. Je sonnais à nouveau, sans réponse. Comme j’insistais, une voisine que cela intriguait sortit de chez elle et m’informa qu’il était inutile de sonner. L’appartement était vide depuis quatre mois. Etonnée, je demandais si elle savait où était partie son occupante.

Elle me répondit par l’affirmative.

“Mademoiselle Carnot est décédée ! C’est un malheur, vous savez. On entendait bien les disputes chez elle avec ce type là, mais jamais on aurait imaginé qu’il allait la tuer. Paraît qu’il l’a battu à mort. La police a fait son enquête. Il avait déjà trois plaintes pour violences sur ses ex-compagnes sur le dos. Mais faut toujours attendre qu’il y ait un drame pour qu’on se décide à faire quelque chose dans ce foutu pays… le pays des droits de l’homme, je vous en foutrai. Et les femmes, elles n’ont pas de droits elles ?” Enervée, elle referma sa porte en maugréant :

“Pour elle, on ne peut plus rien faire… définitivement !”

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